Le jeudi c'est Art thérapie !
Depuis septembre 2020, à Décines, tous les jeudis après l’école, c’est art thérapie !
Différente de l’animation artistique, la discipline de l’art thérapie ne se concentre pas tant sur la production ou le résultat final que sur le processus de création.
Art-thérapeute et animatrice de cet atelier auprès des enfants du groupe Marie Curie, j’observe ce qu’il se passe et se joue chez les enfants pendant le temps créatif et l’apprentissage des techniques et savoir-faire. Cela aide à faire émerger les difficultés et points de vigilance, mais également, et surtout, les capacités sur lesquelles les enfants vont pouvoir s’appuyer pour avancer sur leur chemin de vie.
Durant le processus créatif de l’art-thérapie, la parole se libère, les émotions affleurent, les difficultés cognitives ou praxiques deviennent manifestes, reflétant les déséquilibres des composantes de l’estime de soi et d’éventuels troubles des apprentissages. À travers la découverte artistique, les jeux et les exercices, nous dédramatisons ensemble certains blocages pour certains, et découvrons des talents et des ressources insoupçonnées chez chacun.
Après avoir élaboré des règles de vie et de fonctionnement de l’atelier tous ensemble, nous avons entrepris cette année un travail de fond sur les émotions : quelles sont-elles ? A quoi servent –elles ?
Les enfants ont appris à les identifier, les nommer, les représenter, afin de prendre conscience de ce qui se passe dans le corps et dans la tête, et de ressentir les sensations et les sentiments induits lors de différents jeux fondés sur les échanges verbaux (échanger des mots « gentils » et des mots « méchants ») et les échanges corporels (captation du regard, intention physique de l’échange, jeux de miroir en duo, etc.).
Pour ce faire, nous avons utilisé plusieurs dominantes artistiques : dessin, théâtre d’improvisation, modelage avec les plus jeunes.
Ces approches ont permis aux enfants de comprendre qu’il était plus facile de s’échanger des mots emprunts de gentillesse que des mots agressifs, lorsqu’ils étaient émis en toute conscience.
Lors du travail sur le thème de la joie, les enfants ont pu exprimer qu’ils avaient ressenti « de la joie dans le cœur, dans le corps, dans le cerveau », « de l’énergie dans le corps » ou encore « des papillons dans le ventre ». Ils ont appris aussi à prendre de la distance lors des échanges verbaux, à comprendre que l’on pouvait parfois dire des choses sous le coup de l’émotion sans qu’il y ait de réelle visée personnelle derrière les mots.
Ces jeux et exercices, qui visent à stimuler leur motricité et l’ouverture à la culture artistique, ont aussi été l’occasion pour les enfants de verbaliser leurs peurs, leurs joies, les difficultés qu’ils rencontrent dans leur quotidien. Ils ont d’ailleurs, d’eux-mêmes, plébiscité la reconduction de la « météo de l’humeur » en début de séance, car il s’agit d’un temps où ils peuvent exprimer leurs émotions et leurs sentiments de l’instant présent, et verbaliser, s’ils le souhaitent, sur l’origine de ces émotions. C’est ainsi qu’un jour, Issa, nous a tristement dit « Je n’aime pas ma vie parce que je suis toujours maladroit ».
Concernant le groupe des Bugatti, les grands, nous avons exploré les jeux liés au théâtre d’improvisation. Outre l’expression des émotions, cela a permis aux enfants de travailler sur la cohésion du groupe, la prise de parole dans le respect des autres, obligeant certains à s’affirmer davantage (porter la voix, imposer son personnage, produire un dialogue) et d’autres à se contenir, tout en développant leur créativité.
En les incitant parfois à devoir sortir de leur zone de confort (les enfants de ce groupe ont une prédilection pour aller immanquablement vers des histoires de nourriture, de belles voitures, le sport, les sorties « entre amis » !).
Une des limites de cette approche théâtrale est que ces espaces de mouvement libre, de rencontres physiques, d’expression verbale, peuvent générer de l’angoisse lorsque aucun thème imposé n’existe. À l’inverse, une entraide inattendue entre certains profils s’est faite jour au sein du groupe, répondant aux objectifs que je m’étais fixé.
Avec le groupe des Power Rangers, les petits, nous avons mélangé les genres : jeux théâtraux pour s’échauffer, provoquer des échanges physiques et verbaux, libérer la parole et les émotions. Dessin pour exprimer l’émotion de l’instant présent ou le thème du jour. Modelage expressif sur le modèle du Cubisme, amenant ainsi l’occasion de découvrir un nouveau courant artistique et une approche de ce qu’est la sculpture.
C’était, là aussi, l’occasion de voir grandir leur esprit de cohésion et de partage, l’envie de s’amuser ou de provoquer à travers l’expression artistique, mais également les peurs qui les animent.
Il y a eu aussi de belles découvertes, notamment lorsque Aladdin, enfant très énergique, s’est métamorphosé, en exemple, de patience et de méticulosité lors de son initiation au modelage, comprenant intuitivement le trompe-l’œil en 3D et l’usage des outils à sa disposition, et m’expliquant fièrement « regarde, j’ai creusé sous le boudin pour qu’il ressorte mieux ! » sans même que j’aie eu le temps de le lui expliquer.